Mon nom est Elladan. C’est du moins ce qu’a dit ma mère dans un dernier souffle…
À ce que m’a dit Amrod, le fermier qui l’hébergea, elle était trop frêle et fatiguée pour pouvoir survivre à l’accouchement. Elle n’a donné aucun détail sur l’identité de mon père, d’où elle venait et de quelle façon elle était tombée enceinte. Certaines personnes, lorsque je leur raconte mon histoire, aiment à penser qu’elle était fille de joie et, puisque étant tombée enceinte de l’un de ses clients, fut rejetée de sa famille ou de sa maisonnée mais personne ne pourra jamais le savoir. Après quoi, elle arriva à une ferme et demanda l’hospitalité ainsi qu’un endroit chaud où accoucher auprès de ses occupants.
C’est pour cette raison que je vécus chez Amrod et sa femme qui me reconnurent immédiatement comme étant leur fils et leurs propres enfants comme étant leur frère. J’ai grandis comme tout bon paysan, au rythme des saisons, de la semence à la récolte, d’une noirceur à l’autre. J’ai fais mon apprentissage de la terre, de la nature et du temps. Plus tard, lorsque mes frères et sœurs et moi-même devinrent assez grands pour mener nos vies comme bon nous semble, quelques uns d’entre eux s’occupèrent de la terre que leur avait donné Amrod, d’autres sont entrer dans des institutions ou à l’école militaire et les dernier firent marchands, commerçants ou diplomates.
Pour ma part, puisque je connaissais tout de la culture, des chiffres (habilité que je développai en vendant les fruits et légumes de la ferme au marché), des lettres et de quelques techniques de combat, je me mis à voyager. Devant mes pas, s’ouvrait un long exil qui devait durer près de cinq ans; cinq ans de marche, cinq ans de savoir; cinq ans de voyage et cinq ans de paix, mais jamais la connaissance que j’acquis ne saurait égalé mon envie de connaître mes origines. Cependant, avec le temps, cette envie, comme les secondes, s’évapora et ne me laissa que le goût de m’approprier ce monde.
Maintenant, j'ai vingt ans et les bois m’ont tout révélé d’eux, les hommes se sont livrés à moi comme le font les fidèles vis-à-vis leur divinité, j’en sais beaucoup sur la vie sans avoir la prétention d’en tout connaître. Je suis un voyageur, seulement un voyageur. Mon nom est Elladan.
Le destin étant ce qu’il est : bien fait, il voulu que je sois de retour dans la ferme qui m’a vu naître pour voir mourir le dernier de mes parents adoptifs. Amrod était mort depuis environ deux ans d’une longue maladie, seule Manya, sa femme, restait encore et gardait la maisonnée, aidée de ses plus jeunes filles. Cinq jours après mon arrivé, elle s’affaissa pendant qu’elle faisait le ménage. Elle ne respirait plus et son cœur n’émettait plus ce bruit régulier qui caractérise la vie. Les nôtres, cependant, pleuraient et déploraient ce tragique incident.
Une missive fut rapidement envoyée à tous ses enfants qui n’étaient pas à la ferme, et ce, par delà toutes les terres de ce monde. Tous revinrent pour rendre un dernier hommage à la vieille femme si tendrement aimée.
J’eus donc la joie immense de revoir de vieux visages qui, tout comme le mien, avaient été changés par le temps et la vie. L’un d’eux m’apporta force et réconfort. C’était celui de mon frère, Finrod, celui qui m’était le plus cher. Il était parti à l’école militaire et était devenu garde du corps et chef de milice dans un lieu qui m’était inconnu. Il me parlait souvent d’un dénommé Morgan de la Veirah, « un grand homme » disait-il. Il m’invita à le suivre dans cette contrée, invitation que j’acceptai d’emblée. C’est ainsi que la route sous nos pieds nous mène vers Karamanthyr. Si l’endroit est intéressant, peut-être y resterais-je. Qui sait? Je ne suis plus un voyageur, seulement Elladan.